par Katia RENARD
La vie en refuge nuit-elle à son adoption ?
Le passage par la case refuge pour un chien présage-t-il de l’échec de son adoption dans un nouveau foyer ? Si peu d’études éthologiques existent sur le sujet, il semblerait toutefois que le passé de l’animal, son âge, sa race ou encore son tempérament sont tout aussi importants…
Chaque année, c’est la même chose. On fait le bilan des abandons de l’été avant d’inviter chacun d’entre nous à aller dans les refuges pour adopter un chat ou un chien qui n’a plus de maître. Plus de 100 000 animaux espèrent ainsi retrouver un foyer et une vie normale.
Les causes d’abandons sont multiples : problèmes comportementaux, mais aussi un maître décédé ou parti en maison de retraite qui n’accepte pas les animaux, hospitalisation, allergie, arrivée d’un enfant, ou tout simplement abandon de l’été car l’animal est devenu trop encombrant. Quelles que soient les raisons de leur arrivée en refuge, l’expérience aura des répercussions. Certains en tireront bénéfice et apprendront de nouvelles choses tandis que d’autres vivront cet épisode de manière traumatisante…
Modification de comportement
Ce qui est certain, c’est que les animaux qui arrivent dans un refuge modifient leur comportement très rapidement. Un refuge d’Irlande du Nord a ainsi mesuré le temps passé pour consommer la ration alimentaire des nouveaux chiens arrivants. Le jour même de leur arrivée, au troisième puis au cinquième jour. Les relevés ont montré que le temps moyen passé pour consommer toute la ration est de 6 minutes ½ à l’arrivée des animaux. Cette durée se réduit à moins de 4 minutes dès le cinquième jour ! Ce qui laisse penser que, pendant ce laps de temps, les chiens se sont (au moins partiellement) adaptés à un nouvel environnement et un nouveau mode de distribution.
Dans ce même intervalle de 5 jours, une modification du comportement des chiens vis-à-vis des soigneurs a aussi été observée. Les chiens sont ainsi passés d’une attitude inhibée et craintive au début à des comportements plus calmes, moins stressés ou inquiets, au bout de quelques jours même s’ils n’ont pas tous recherché le contact avec le personnel du refuge qui entre dans leur parc. On peut imaginer que parmi les chiens observés, nombreux sont ceux qui ne sont pas habitués à être en contact avec des personnes inconnues de manière répétée et dans un contexte non familier. Au bout de quelques jours, les réactions de peur diminuent significativement et les toutous apprennent même que ces personnes qui ne cherchent pas à imposer un contact à tout prix leur apportent des ressources alimentaires ! D’autres travaux, qui ont mesuré le taux de cortisol ont par ailleurs démontré que cette hormone du stress décroit de manière significative lors de la première semaine en refuge pour la plupart des individus.
Une semaine pour s'adapter
Et c’est plutôt une bonne nouvelle car ce sont justement ces attitudes de calme et d’attention portée aux humains qui offrent les meilleures chances d’adoption aux animaux. Bien avant les critères physiques, ce sont les aspects comportementaux de l’animal qui favorisent l’arrêt des candidats à l’adoption devant les boxes. Des études ont ainsi prouvé qu’un jouet placé dans le lieu de vie du chien améliore considérablement l’image que les visiteurs se font de ce dernier, même s’il ne joue pas avec. Il est intéressant de noter que ces études ont démontré aussi que si le chien apprend vite à mieux se comporter avec les soigneurs, il n’apprend pas pour autant à utiliser un jouet s’il ne s’en servait pas spontanément avant son arrivée au refuge.
Malheureusement, tous les chiens, par leur tempérament, leur génétique ou les conditions de leur développement, n’ont pas la capacité de s’adapter au nouvel environnement qu’est le refuge. Certains peuvent alors se trouver en situation de stress chronique et présenter des comportements liés à la frustration : agressivité, agitation, aboiements et… stéréotypies comme tourner en rond dans la cage, se lécher de manière compulsive… Des manifestations qui réduisent hélas leurs chances d’adoption, alors qu’elles pourraient cesser très rapidement dans un nouvel environnement adapté comme un nouveau foyer.
Antoine Bouvresse, vétérinaire comportementaliste