Article publié le 05 Février 2025 18:00:00
par Agnès SOUCHAL

Un point sur…Leucose féline et FIV, comment gérer en association ?

Nos félins domestiques ont la malchance de pouvoir être atteints de deux maladies infectieuses à rétrovirus (tel le virus du Sida humain) : la leucose féline (liée au virus FeLV), et l’immunodéficience féline plus souvent présentée sous le nom du virus responsable, le FIV ; Ces deux maladies ont une répartition mondiale mais ne touchent que nos chats et certains félidés sauvages (lynx, lion, tigre…). Donc, aucun risque pour les humains ou les autres espèces ! Cela étant, gérer ces maladies est particulièrement complexe et nécessite d’en connaître les particularités, surtout pour le milieu associatif et pour les adoptions futures.

Faisons le point !

La leucose féline

Cette maladie est particulièrement contagieuse, même si le virus ne survit pas seul dans le milieu extérieur, sans son « support chat ». De plus, tout détergent classique le détruit, ainsi que l’eau de Javel ou un lavage à 60°. En revanche, le chat excréteur va le faire par toutes les voies possibles : contact par la salive, le sang, les larmes, les selles et urines, bref tout ce qui « sort » du chat. Donc, un simple « bisou », du léchage ou bien sûr une morsure sont infectants, ainsi que le partage de gamelles. Il faut y ajouter, les voies sexuelle, transplacentaire, et la lactation. Le chat atteint de leucose est de ce fait particulièrement dangereux pour tous ses congénères, hormis d’autres chats atteints de la même maladie. Quand un chat est en contact avec ce virus, ce dernier va commencer à gagner les tissus lymphoïdes locorégionaux puis, globalement, plusieurs situations sont possibles :

  • L’infection devient abortive : le corps du chat réagit fortement et élimine le virus (30% des cas)
  • L’infection devient régressive : après une phase où le virus gagne le sang, le corps va réagir et l’inhiber, sans pouvoir néanmoins l’éliminer. S’ensuit une période de latence pendant laquelle le virus n’est plus dans le sang mais dans les tissus lymphoïdes, la moelle osseuse, l’épithélium…Le temps de latence est très variable, la réactivation du virus se fera lors d’une diminution de l’immunité du chat. Attention, le chat peut devenir excréteur à tout moment pendant ce temps.
  • L’infection est progressive : la réponse immunitaire du chat est faible, le virus se multiplie, gagne le sang, la moelle osseuse…et crée une immunosuppression et l’expression clinique de la maladie. Le chat est également excréteur. Les signes sont très variés : processus tumoraux (lymphome, leucémie…), maladies auto-immunes, avortement, infections opportunistes, anémie. L’issue est fatale, et le décès survient au plus tard après 1 à 2 ans selon les signes cliniques.

L’immunodéficience féline ou FIV

Cette rétrovirose est moins contagieuse : la transmission se fait principalement par morsure profonde, par voie transplacentaire et sexuelle, la voie de la lactation est controversée. Ceci explique que le FIV touche plutôt les chats vivant en extérieur ou en collectivité, et les mâles 5 fois plus que les femelles, évidemment sur des animaux non stérilisés (plus de bagarres et contacts sexuels). Tout comme le virus de la leucose féline, le virus FIV perd rapidement son pouvoir infectieux dans le milieu extérieur, et est éliminé par tout désinfectant usuel. Le virus FIV s’attaque aux cellules immunitaires que sont les lymphocytes T et les macrophages. Lorsqu’il entre en contact avec l’organisme du chat, il va gagner le sang (virémie), se multiplier, provoquer après quelques jours un état de fièvre et de fatigue qui va le plus souvent passer inaperçu. Soit l’organisme du chat se défend et élimine le virus, soit la réponse immunitaire ne sera pas suffisante. Dans ce cas, il s’ensuivra une période de latence où le virus va « sommeiller », néanmoins le chat est excréteur et contamine ses congénères. Cette période de latence va durer plusieurs années, voire toute la vie du chat (il n’est pas rare que des chats « séropositifs » au FIV meurent d’autre chose…). Quand la maladie se déclenche (à la suite d’une baisse d’immunité du chat), le virus va détruire les cellules de défense du chat qui va devenir sensible à tous les pathogènes qui l’entourent : la plupart des signes cliniques ne sont pas liés au FIV mais à ce que le chat va rencontrer, particulièrement les gingivo-stomatites chroniques, les rhinites chroniques, mais aussi toute pathologie générale, respiratoire, cardio-vasculaire, digestive…Toute maladie peut être FIV. Et notons que le chat est contagieux en phase de séropositivité et de maladie.

Quelles conséquences pour l’association, le refuge…et l’adoption ?

Le plus important pour une association est de savoir si un chat séropositif à une de ces pathologies est adoptable, et dans quelles conditions. Car effectivement, si le chat est cliniquement malade, il n’est pas temps de le faire adopter ! Premier point : ces deux pathologies sont dans la liste des vices rédhibitoires, leur diagnostic peut annuler « la vente » et engager la responsabilité de l’association, il est donc primordial d’être transparent avec les futurs adoptants concernant les chats dont les tests sont positifs.

  • Comment analyser ces tests ? Chaque chat arrivant en association doit être testé, afin de connaître son statut puisqu’on ne connaît quasiment jamais son passé. Mais attention, analyser ces tests n’est pas si facile, et demande de connaître le fonctionnement du test et du virus. Concernant la leucose, le test le plus pratiqué en clinique vétérinaire (test Elisa) recherche un antigène de surface du virus (Ag27) dans le sang, il faut donc trouver le virus dans le sang. Donc, si le test est positif : le virus est dans le sang mais il est possible que le chat l’élimine (phase abortive), ou il restera positif. Il faut donc renouveler le test pour vérification mais attention, si le virus entre en latence, il deviendra également indétectable s’il n’est plus dans le sang. Si le test est négatif, le chat est indemne ou le virus est en latence en dehors du sang. D’autres tests sont disponibles, tels que le RT-PCR, mais leur analyse sera identique. Il convient donc de croiser l’état général du chat, la connaissance éventuelle de son passé, et ce test. Concernant le FIV, le test va cette fois chercher les anticorps dans le sang et sera donc plus facile à analyser. Si les anticorps sont présents, le virus l’est aussi. Deux exceptions : un test faussement négatif est possible dans les deux premiers mois de l’infection, ou en phase terminale de la maladie, la quantité d’anticorps peut être trop faible pour être détectable, un test RT-PCR sera alors recommandé. Seconde exception : si un test est positif sur un chaton de moins de 6 mois, il peut s’agir d’une persistance des anticorps maternels, il faut donc renouveler le test.
  • Comment garder des chats positifs ? Premier point, ils doivent être stérilisés, pour éviter une voie de contamination (leucose et FIV), et des bagarres, limiter les envies de sortie, car aucun de ces chats positifs ne doit sortir en extérieur pour protéger les autres chats ! Un chat leucose positif ne peut vivre que seul ou avec d’autres chats positifs à la leucose, au vu de sa grande contagiosité. Et avec un chat vacciné leucose ? Possible mais non recommandé : une rupture vaccinale est toujours possible. Un chat FIV+ peut vivre avec d’autres chats FIV positifs ou négatifs s’ils sont stérilisés, il est juste nécessaire que l’équilibre du groupe soit assuré pour éviter les bagarres et les morsures inhérentes. Nombre de chats FIV + vivent toute leur vie avec des chats négatifs sans que ces derniers soient contaminés.
  • Quels soins ? Ces chats ont une immunité fragile, le mot d’ordre sera donc Réactivité. Quels que soient les symptômes, il faudra soigner ces chats au plus vite afin d’essayer d’éviter la réactivation du virus. Dans le cas de la leucose, si le virus est réactivé, malheureusement le chat sera condamné à assez brève échéance. Dans le cas du FIV, il est possible que la réactivation se manifeste « simplement » par des gingivo-stomatites que l’on peut contrôler (mais pas guérir) pendant des années. Quoiqu’il en soit, il ne faut pas oublier que le principal est de respecter le bien-être des chats. S’il n’est plus possible de l’assurer correctement, l’euthanasie prend ici tout son sens.
  • Les vacciner ? Il faut rappeler que le vaccin leucose existe, avec une efficacité remarquable. Vacciner un chat leucose positif est possible et recommandé contre le typhus (panleucopénie féline) et le coryza, mais avec des vaccins inactivés. Vacciner un chat FIV positif est recommandé également contre la leucose féline.

Dernier point, pour les chats sauvages ou semi-sauvages positifs à ces maladies : ces chats ne peuvent vivre enfermés sans en souffrir profondément, leur bien-être en serait extrêmement impacté. Concernant la leucose, les relâcher serait la porte ouverte à la contamination de tout chat qu’ils rencontreraient. Il se pose là une question éthique, pour laquelle là encore l’euthanasie doit être considérée et faire partie de la discussion. Concernant le FIV, si le chat est stérilisé, le risque est moindre, mais une réflexion s’impose au cas par cas. En revanche, il est inadmissible de laisser ces chats vivre derrière des barreaux toute une vie, dans un état de stress quotidien, sous prétexte de refuser une euthanasie qui serait pourtant dans ce cas une délivrance…Une alternative serait de pouvoir leur offrir un vaste espace clos, sécurisé, sans ingérence humaine plus que nécessaire, où ils pourraient vivre leur vie sans crainte de contaminer leurs congénères, une réflexion à mener !

Dr Brigitte Leblanc, vétérinaire praticienne