par Agnès SOUCHAL
Un point sur...Un vétérinaire peut-il refuser de recevoir un animal ?
La tension qui existe depuis quelque temps en médecine vétérinaire rurale commence à gagner certaines villes : parfois il devient difficile de trouver un vétérinaire traitant pour qui n’en a pas encore. Que la demande provienne d’un particulier ou d’une association, le refus de consultation parfois essuyé est-il légitime ? Et dans quels cas ? Petit point sur la situation…
Le Code de déontologie vétérinaire
L’activité vétérinaire est régie par un Code de déontologie auquel tout vétérinaire est astreint, sous peine de poursuites pénales, civiles et disciplinaires. Ainsi le fait de refuser une consultation peut dans certains cas constituer une faute professionnelle.
Deux textes de ce Code concernent ce domaine : les articles R242-48 et R242-61 du Code rural et de la pêche maritime. Tous deux entourent les cas d’acceptation ou de refus des consultations, ainsi que la PCS, en « langage vétérinaire » la permanence et la continuité des soins, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de trouver un praticien pour son animal, et que le suivi de cet animal soit assuré en toutes circonstances. Etudions les différents cas de figure possibles.
L’animal est en état d’urgence réelle
Dans ce cas, la situation est claire : l’article R242-48 alinéa V énonce : « Lorsqu'il se trouve en présence ou est informé d'un animal malade ou blessé, qui est en péril, d'une espèce pour laquelle il possède la compétence, la technicité et l'équipement adapté, ainsi qu'une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant la valeur vénale de l'animal, il s'efforce, dans les limites de ses possibilités, d'atténuer la souffrance de l'animal et de recueillir l'accord du demandeur sur des soins appropriés. En l'absence d'un tel accord ou lorsqu'il ne peut répondre à cette demande, il informe le demandeur des possibilités alternatives de prise en charge par un autre vétérinaire, ou de décision à prendre dans l'intérêt de l'animal, notamment pour éviter des souffrances injustifiées. »
Donc, que le vétérinaire connaisse ou non l’animal, il doit assurer les premiers soins SAUF :
- S’il n’est pas compétent ou n’a pas le matériel pour cette espèce.
- Si son assurance de responsabilité civile professionnelle ne le couvre pas en ces circonstances, sur la valeur vénale de l’animal.
En revanche, le praticien doit offrir une alternative de prise en charge par un confrère.
Un autre facteur doit être analysé : la notion d’urgence, qui n’est pas toujours la même entre le propriétaire ou détenteur de l’animal et le praticien. C’est au praticien de juger de l’urgence réelle d’un cas. Certes un chien qui boite mais est en forme est une situation désagréable pour lui, mais de là à déplacer ou réveiller un vétérinaire à 3 heures du matin…Enfin, en ce qui concerne les associations, si une urgence rend indispensable une consultation en urgence chez un praticien qui n’a pas d’accord préalable avec ladite association, ce praticien n’a aucune obligation de pratiquer un tarif préférentiel. Rappelons que les tarifs accordés aux associations sont consentis librement par le vétérinaire qui n’a aucune obligation à cet égard.
Vous n’avez pas de vétérinaire traitant
Dans ce cas, sauf urgence, aucun reproche ne peut être fait à un praticien qui refuserait une consultation : il peut s’estimer non compétent ou plus simplement ne pas avoir le temps nécessaire pour un nouveau patient, surtout si on lui demande de tenir un délai court. Car il ne pourra sans doute pas voir le chien qui se gratte l’après-midi même de votre appel, même si certes la situation n’est pas confortable pour votre chien, cela peut attendre un peu. Sachez également que toute incivilité sera une raison supplémentaire et tout à fait légitime pour le praticien de refuser une consultation, de même si sa sécurité ou celle de ses employés est compromise (article R242-48 ci-dessus : « En dehors des cas prévus par le précédent alinéa, le vétérinaire peut refuser de prodiguer ses soins pour tout autre motif légitime. »)
L’animal est suivi régulièrement dans un établissement de soins vétérinaires
Notez bien « régulièrement », car le fait d’avoir stérilisé un chat il y a 14 ans et de ne jamais l’avoir revu depuis n’en fait pas un patient régulier. Dans le cas où l’animal est correctement et régulièrement suivi, le vétérinaire a l’obligation de continuité des soins : il doit donc le prendre en charge (article R242-48 mentionné ci-dessus). D’ailleurs, dans de nombreux cas, il existe un contrat de soins entre le propriétaire (ou l’association) et le praticien (mais s’il n’est pas écrit, il n’en est pas moins moral). Il peut y avoir cependant quelques exceptions ou aménagements :
- Si le praticien n’est pas disponible (chirurgie longue par exemple) et que l’animal doit être vu rapidement, il devra être référé ailleurs, pour des raisons évidentes (on ne peut pas encore être à deux endroits à la fois).
- Lors d’absence (maladie, vacances, nuits, jours fériés, weekend…), l’obligation de permanence et continuité des soins oblige à indiquer un vétérinaire d’astreinte par tout moyen disponible facilement (affichage, répondeur téléphonique, transfert d’appel…) parfois via une plate-forme de tri téléphonique. En cas de fermeture pour absence ou maladie, un accord est convenu avec une ou plusieurs autres structures de soins afin d’assurer le service pendant l’absence du vétérinaire traitant (article R242-61 mentionné ci-dessus).
- Lorsqu’il ne s’estime plus compétent, il doit l’orienter vers un praticien plus spécialisé en la matière.
Enfin, si un contentieux oppose le praticien au propriétaire (non-paiements, injures, violences physiques ou verbales, menaces…), le premier a le droit de refuser les soins (sauf urgences, toujours) et de dénoncer le contrat de soins. Il doit donc en avertir le client ou l’association. De même, il peut refuser des soins, même à un client connu, s’il n’est pas en accord avec la décision du propriétaire, notamment lors d’euthanasie demandée par ce dernier. Il l’oriente alors vers un autre praticien si le client le veut, car ce dernier garde le droit de choisir son praticien.
Et la demande d’un « petit quelque chose »…
Il faut pour en terminer parler de la « petite demande » récurrente des associations et des particuliers qui s’impliquent dans la protection animale, naturelle mais parfois bien mal amenée : la lecture de la puce électronique (sur un animal non blessé) et la recherche du propriétaire. Dans ce cas, bien sûr, on va demander au vétérinaire de procéder à cette recherche et, dans la grande majorité des cas, cela se passe sans problème : le vétérinaire ou un(e) ASV va gérer dès que possible. Cependant, il faut savoir que parfois le propriétaire n’aura pas donné sur Icad l’autorisation de communiquer ses coordonnées, dans ce cas, c’est à l’établissement de soins de le joindre sans pouvoir vous donner lesdites coordonnées.
Mais quand la structure est fermée, c’est en général le service d’astreinte qui va être joint. Alors, bien évidemment, tout un chacun préfère que l’animal retrouve sa maison le plus rapidement possible, c’est le mieux pour lui et ses maîtres, pour tout le monde. Mais le vétérinaire d’urgence est parfois (souvent) seul, il peut être en chirurgie urgente, il peut avoir enchaîné les consultations toute la soirée/nuit et venir de rentrer chez lui à 4 heures du matin pour devoir reprendre ensuite sur sa journée de travail normale (il n’y a pas de « récupération » chez les vétérinaires, sauf dans les grosses structures…). Alors il est clair qu’il n’aura sans doute pas envie de revenir sur ses pas et vous demandera d’attendre quelques heures, et c’est assez compréhensible. Hors urgence, il n’a pas à se déplacer de nouveau. En revanche, si l’association a un lecteur de puces et peut donner le numéro du transpondeur, il sera sans doute d’accord pour effectuer cette recherche même s’il est dans son lit…
N’oubliez pas que la profession vétérinaire est plus sujette aux suicides que la population générale, et même les professions médicales humaines, et que cette charge physique et mentale des astreintes et des urgences en est un des facteurs. Alors, si la recherche peut attendre 2/3 heures, le temps qu’il se repose un peu, nul doute qu’il vous en sera reconnaissant !