par Sophie MAXENCE
Parcours emploi formation : les nouveaux contrats aidés pour les associations
Le dispositif des contrats aidés a changé ces dernières années, ce qui n’a pas été sans conséquences pour les associations ayant recours à ce type d’emplois. Qu’en est-il de la nouvelle formule Parcours emploi compétence (PEC) mise en place depuis 2018 ?
Dans le monde de la protection animale, il y a les petites associations qui fonctionnent essentiellement avec des bénévoles, et les grosses structures qui peuvent se permettre d’embaucher un voire plusieurs salariés. Et puis il y a les « entre-deux » qui ont besoin de personnel pour faire fonctionner leur association, mais qui n’en ont pas les moyens sans une aide financière.
« Le Secours félin est un refuge qui dispose d’un enclos de 5 chalets qui doivent être nettoyés à fond tous les jours en plus du nourrissage et des soins apportés aux chats. Je ne peux pas me permettre de fonctionner qu’avec des bénévoles qui ne sont pas toujours disponibles, explique ainsi Olivier Lamouroux, fondateur de l’association. Aujourd’hui nous avons trois employées et une bénévole. Cette équipe est d’autant plus nécessaire que depuis la disparition de ma compagne, je suis seul à gérer l’association. »
Le président du Secours félin (89) a désormais recours aux nouveaux contrats aidés mis en place dans le cadre du dispositif Parcours Emploi Compétence (PEC). En 30 ans de protection animale, Olivier Lamouroux a vu les évolutions des différents mécanismes d’aides de l’État qu’il juge de moins en moins favorables pour les associations.
Une nouvelle donne en 2017
Pour rappel, les contrats aidés sont des contrats subventionnés par l’État dont l’objectif est de favoriser l’embauche des personnes les plus éloignées de l’emploi. Ce sont ainsi les pouvoirs publics qui définissent les modalités de mise en œuvre et ces dispositifs évoluent au gré des changements de gouvernement. En 2005, la mise en œuvre du plan de cohésion sociale avait donné lieu à la création de différents contrats (contrat d’avenir*, contrat d’insertion, etc.) qui, de 2010 à 2017, ont été fusionnés en un seul contrat aidé, le contrat unique d’insertion (CUI), lui-même décliné en deux sous-catégories, le contrat d’accompagnement pour l’emploi (CUI-CAE) pour le secteur non marchand, et le contrat initiative emploi (CUI-CIE) pour le secteur marchand.
L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron a changé la donne. En 2017, le gouvernement annonce sa volonté de baisser le nombre de ces contrats aidés, leur reprochant d’être inefficaces dans la lutte contre le chômage. L’annonce a eu l’effet d’une bombe dans le monde associatif, notamment dans le milieu de la protection animale où beaucoup d’associations ne fonctionnaient que grâce au soutien financier de l’État. Les contrats aidés n’ont pas disparu pour autant mais ils ont évolué, à partir de 2018, vers une autre forme. Pour le secteur non marchand est ainsi apparu le Parcours Emploi Compétence (PEC). Ce nouveau dispositif repose sur le triptyque « emploi-accompagnement-formation » et permet une prise en charge d’une partie des salaires par l’État, sous la forme d’une aide à l’insertion professionnelle versée en milieu de mois.
Des aides moins importantes
Mais la transition n’est pas simple à opérer pour les associations. « Auparavant les prises en charge dans le cadre des contrats aidés étaient très importantes, ce qui n’est plus le cas maintenant » constate ainsi Kosma Brijatoff directeur général du refuge AVA (76) qui compte une dizaine d’employés. En effet, depuis la mise en place du PEC, l’aide de l’État pour ces contrats correspond en moyenne à 50% du SMIC brut contre 75% auparavant.
On est loin des prises en charge à 90% qu’a connues Olivier Lamouroux dans les années 1990, lorsque son association avait recours à ses premiers contrats aidés. « Forcément, les embauches sont devenues plus lourdes pour les associations aujourd’hui, constate-t-il, tout en précisant : le PEC permet de bénéficier d’une réduction des charges sociales. Cela équilibre un peu par rapport aux anciens systèmes et permet aux associations de continuer à avoir des salariés. Mais c’est de plus en plus difficile. »
Des publics prioritaires davantage visés
Les études montrent que de moins en moins d’associations s’emparent des contrats aidés. Selon la Dares**, ces contrats sont en baisse depuis 2017 : on comptait près de 300 000 bénéficiaires de contrats aidés en 2006, contre environ 50 000 en 2020 (uniquement pour le secteur non marchand). Dans le même temps, on constate que la part des jeunes en contrat aidés progresse.
Les mécanismes incitatifs de l’État n’y sont pas pour rien. Le plan #1jeune1solution déployé à l’été 2020 prévoit ainsi la création de 20 000 PEC supplémentaires en faveur des moins de 26 ans. Par ailleurs, l’aide à l’insertion professionnelle s’élève à 65% du SMIC brut pour les jeunes de moins de 26 ans et les travailleurs handicapés de moins de 31 ans.
Des prises en charge plus importantes sont également accordées aux employeurs qui embauchent des personnes résidant dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). « Il s’agit des zones plus touchées par le chômage. Le refuge d’AVA se trouve en ZRR. Nous avons ainsi la possibilité de bénéficier d’une prise en charge de 80% du salaire brut d’un employé, pour un contrat de 30h » détaille Kosma Brijatoff pour qui le PEC reste toutefois moins favorable que les anciens dispositifs de contrats aidés : « auparavant, les contrats pouvaient être financés sur deux ans et sur une base de 35 heures. Aujourd’hui, les CDD ne peuvent être conclus que pour une durée de 12 mois, et ne peuvent être renouvelés pour une année supplémentaire que sous certaines conditions. »
Un volet formation devenu obligatoire
Pour qu’un contrat PEC en CDD soit renouvelé, il faut notamment que l’employeur ait respecté son engagement de formation auprès de son salarié. Les PEC incluent en effet des exigences qui tendent à se renforcer en matière d’accompagnement et de formation des bénéficiaires.
« En amont du contrat, nous avons une obligation de définir avec le futur salarié son niveau d’étude et ses souhaits de développement personnel et professionnel » détaille ainsi le directeur d’AVA. L’association doit alors proposer à son salarié une formation. Il peut s’agir d’une formation interne, en lien avec « les soins et l’entretien des animaux » comme le détaille par exemple Olivier Lamouroux, ou d’une formation en externe.
Pour couvrir une partie du financement de ces formations externes, les associations peuvent avoir recours au dispositif Action de Formation Préalable au Recrutement (AFPR) de Pôle emploi. Dans ce cas, « c’est à nous de trouver les formations avant de les proposer au salarié et de les valider avec le Pôle emploi, indique pour sa part Kosma Brijatoff. Ce peut être des formations très variées, comme le passage du permis poids lourds ou du permis pour véhicules agricoles, mais aussi des formations de spécialisation en éducation canine… Il faut que cette formation apporte une compétence supplémentaire à la personne pour l’aider à s’insérer plus facilement dans la vie professionnelle au terme de son contrat. »
La précarité, un problème de fond
Il n’est toutefois pas certain que la dimension formation du PEC suffise à répondre au problème de fond des contrats aidés : celui de la précarité dans laquelle se trouvent et sont maintenus les bénéficiaires. « Les salariés de l’association, en majorité des jeunes, sont pour la plupart des personnes qui espèrent continuer à travailler dans le milieu animal. Certains ont déjà des formations et de l’expérience. Mais le problème est qu’il n’y a pas tellement de débouchés dans ce secteur » analyse Olivier Lamouroux.
L’autre problème est celui de la prédominance des contrats à durée déterminée. Si les CDD étaient déjà privilégiés par les associations dans le cadre des anciens contrats aidés, du moins dans un premier temps, l’arrivée du PEC renforce le principe du contrat court en fixant la durée du CDD à 6 ou 12 mois renouvelables dans la limite de 24 mois. Dans ce contexte, le processus d’embauche n’est pas toujours simple comme l’explique le directeur d’AVA. « Nous avons lancé il y a 4 mois une campagne de recrutement. Nous avons eu énormément de candidatures mais beaucoup étaient très farfelues. Finalement, nous avons signé un contrat aidé avec une personne qui ne s’est pas présentée. Les profils ne sont généralement pas très bons, ni très fiables, même si ce n’est pas le cas pour tous les candidats en contrats aidés. Le système donne un coup de pouce, mais nous, ce n’est pas ce qui nous a permis de trouver les salariés les plus adaptés à nos besoins. »
*A ne pas confondre avec les Emploi d’avenir, actifs de 2012 à 2020 et qui prenaient la forme d’un contrat unique d’insertion (CUI) avec une prise en charge de l’Etat de 75% du SMIC sur 36 mois.
** La direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques, octobre 2021