Article publié le 01 Novembre 2024 19:00:00
par Agnès SOUCHAL

Un point sur...la Péritonite Infectieuse Féline (PIF) par le Dr Brigitte Leblanc

La PIF, péritonite infectieuse féline, le cauchemar de tous les amoureux des chats, des vétérinaires et des associations et refuges de protection animale…Pourquoi cette réaction si forte, alors même que nos félins sont victimes de bien d’autres virus souvent tout aussi pathogènes ? La raison réside dans le fait que cette maladie est encore bien mal connue donc difficile à gérer. Quant à son traitement, il a fait l’objet de tant de polémiques qu’il est temps, à présent que l’horizon dudit traitement s’éclaircit, de faire le point sur cette pathologie.

Qu’est-ce qui est responsable de la PIF ?

Sans (re)tomber dans la psychose Covid, le virus responsable est de la même famille : un coronavirus. Ce virus nommé FeCV1 est un virus entéritique, il a donc une affinité pour les cellules intestinales, provoquant seulement des diarrhées. Le virus est éliminé par les selles, et la contamination entre les chats se fait par voie orale ou nasale lors d’un contact avec les selles d’un animal infecté. De ce fait, il est clair que la contagion sera plus rapide si le nombre de chats vivant ensemble est important (refuges, associations de protection animale, élevages…) : jusqu’à 90% des chats vivant en communauté ont été en contact avec ce virus, contre 20% des chats vivant seuls. Le virus peut rester vivant jusqu’à 7 semaines dans l’environnement si celui-ci est favorable. Sensible aux détergents et désinfectants, il est facile à éradiquer sauf en collectivité féline.

Mais quel rapport donc entre ce virus « bénin » somme toute, et la PIF ? En réalité il s’agit du même virus, mais qui a subi une mutation, au sein même du corps du chat. Pourquoi ? Comment ? Suite à un stress, une maladie intercurrente ? Nul ne le sait. Mais cette mutation touche 4 à 5% des chats atteints par le FeCV, préférentiellement les chats de moins de 2 ans ou les plus âgés (à partir de 10/13 ans). Certaines lignées seraient prédisposées parmi les Bengals, British Shortair, Persans, Rex Cornish et Sacrés de Birmanie. La mutation en virus de la PIF change l’affinité du virus, il va développer une affinité pour les macrophages2 dans lesquels il va se répliquer et être diffusé dans tout l’organisme, à l’origine des symptômes qui vont se déclarer. Quand se produit cette mutation ? Mystère, mais il semble que le risque maximum soit entre 6 à 18 mois après le contact avec le FeCV, diminuant à moins de 4% 36 mois après infection.

Comment la diagnostiquer ?

Une fois muté, le virus de la PIF (appelé FIPV3 à présent) va donc, via les macrophages, être diffusé partout dans le corps du chat. Les signes cliniques vont apparaître entre quelques semaines et 2 ans après la mutation, semble-t-il. Classiquement, deux formes cliniques peuvent se présenter : une forme humide (avec des épanchements liquidiens au niveau de l’abdomen, du thorax) et une forme sèche (avec des atteintes oculaires, et formation de granulomes au niveau des poumons, reins, foie, intestins…), les deux accompagnées de fièvre, perte d’appétit, amaigrissement, muqueuses pâles ou jaunes, en définitive des signes nombreux mais peu spécifiques. L’issue en est fatale, de quelques jours à quelques semaines selon la violence des symptômes. Il faut noter que le virus muté FIPV ne se transmet pas d’un chat à un autre, même s’il est éliminé en petite quantité dans la salive, les sécrétions respiratoires et les urines.

Seul le FeCV se transmet d’un chat à un autre en étant éliminé dans les selles, et nul ne sait s’il va un jour muter.

Les signes cliniques de la PIF sont donc extrêmement polymorphes, la forme humide est plus « visible » que la forme sèche, ces signes peuvent faire suspecter une PIF mais comment s’en assurer ? Il existe bien des tests (sérologique et PCR) « coronavirus », mais il est impossible de différencier le FeCV et le FIPV. C’est donc un faisceau de preuves, cliniques ou issues d’examens complémentaires, qui va amener à une forte suspicion de la PIF. Le seul diagnostic de certitude serait obtenu lors de l’autopsie du chat…Et néanmoins, la PIF est une maladie déclarée vice rédhibitoire pour laquelle le législateur a mis en place un délai de déclaration de diagnostic de 30 jours et un délai de suspicion de 21 jours après l’arrivée du chat, délais qu’il faut bien juger irréalistes au vu de la clinique de cette pathologie et de la difficulté de son diagnostic.

Autre question : y a-t-il des moyens de prévenir la PIF ? Puisque nul ne peut prédire si et quand la mutation peut avoir lieu, la seule prévention est donc d’éviter que le chat ne contracte le FeCV…Dans une communauté de chats, cela veut dire que chaque nouvel animal devra être testé, isolé pendant 30 jours minimum et retesté avant d’être introduit. Qu’aucun chat ne doit sortir ni être mis en relation avec un chat dont le statut pour le FeCV est inconnu, sinon il doit de nouveau être dépisté et mis à l’isolement (par exemple un chat d’élevage « prêté » pour faire une saillie…). Après le décès d’un chat suite à la PIF, il est conseillé d’attendre au moins 3 mois avant de reprendre un autre chat, afin que le virus FeCV soit éliminé de l’environnement. Mais autant dire que lorsque de nombreux chats vivent dans le même foyer, la négativation est quasi impossible, mais tous ne subiront pas la mutation virale, et certains pourront se négativer plus ou moins rapidement.

Le traitement de la PIF : connu, disponible mais sous réserve…

Pendant très longtemps, aucun traitement n’a été disponible contre la PIF. La seule possibilité consistait en des soins palliatifs jusqu’au moment où l’issue fatale s’annonçant, un autre type de soins était inéluctable : l’euthanasie. En 2019, un antiviral, le remdésivir (et son métabolite actif le GS-441524) utilisé en médecine humaine notamment contre le Covid 19, mais uniquement en milieu hospitalier, s’est avéré être une prescription intéressante contre la PIF. Mais légalement parlant, le vétérinaire n’a eu le droit de le prescrire que depuis un décret d’application paru le 19 juillet 2024, avec néanmoins des restrictions : la prescription ne peut se faire que sur un diagnostic de PIF (et uniquement de PIF) avéré, ce qui est particulièrement difficile, comme expliqué plus haut. Il s’agit de plus d’une préparation magistrale qui n’est pour le moment disponible que dans une seule pharmacie en France : la pharmacie Delpech à Paris, avec les délais de fabrication et d’envoi inhérents, malgré tous leurs efforts. De plus, le vétérinaire peut prescrire ce médicament mais pas le délivrer (le décret permettant cette délivrance en direct est encore en attente de parution) : c’est donc au client d’aller à la pharmacie avec son ordonnance pour que ladite pharmacie puisse se procurer le produit. De plus, il est utile de rappeler que ce produit étant administré hors AMM4, il n’a pas fait l’objet d’études fiables sur la dose, la durée de traitement, les effets indésirables : il est donc important de déclarer les cas suspects dans le cadre de la pharmacovigilance.

Dernier point : le coût, car ce produit a un coût qui n’est pas négligeable. Or, depuis 2019 et avant que sa prescription ne devienne légalement possible, beaucoup de propriétaires se sont approvisionnés sur des sites internet plus ou moins fiables, avec des prix plus ou moins intéressants mais toujours néanmoins élevés. Des études ont démontré le manque de fiabilité et la non-conformité de nombre des produits vendus, avec des compositions aléatoires, peu fiables, des qualités médiocres voire des compositions dangereuses. Alors certes, on peut comprendre le propriétaire du chat atteint de PIF qui ferait tout pour le soigner. Certains s’en sont sortis, on trouve des témoignages sur le net, mais combien d’autres sont morts, non pas de la PIF mais par l’administration de ce produit d’origine inconnue et illicite ? Alors, à présent qu’une alternative existe, fiable, contrôlée, à base de produits de qualité vérifiée, fabriquée dans le respect des bonnes pratiques des préparations magistrales, ne faut-il pas choisir cette meilleure chance pour son chat ?

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1 Feline Enteric Coronavirus.
2 Les macrophages sont un type de globules blancs présents dans le sang et impliqués dans la défense de l’organisme.
3 Feline Infectious Peritonitis Virus.
4 Autorisation de Mise sur le Marché.