par Sophie MAXENCE
Le plan pour le bien-être animal a-t-il les moyens de ses ambitions ?
Le ministère de l’Agriculture a présenté une feuille de route visant à lutter contre les abandons, l’errance et la maltraitance. Saluée par les associations, l’initiative suscite la vigilance quant à son application concrète et aux moyens financiers alloués.
Le 22 mai 2024, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a présenté un Plan national pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie, deux ans et demi après l’adoption de la loi contre la maltraitance animale. Ce plan a été élaboré après consultation d’un ensemble d’associations de protections animales, dont Solidarité-Peuple-Animal, la Fondation 30 Millions d’Amis, la SPA, la Fondation Brigitte Bardot, et des organisations vétérinaires. Marc Fesneau estime dans un message publié sur ses réseaux sociaux que ce plan « pose les premiers jalons vers une approche globale consistant à mieux intégrer l'animal de compagnie dans la vie de la société. »
Mais l’exécutif va-t-il se donner les moyens de ses ambitions ? Les actions prévues par le gouvernement se concentrent sur trois enjeux principaux : la prévention et la lutte contre les abandons, la gestion de l’errance canine et féline, et la lutte contre la maltraitance des animaux de compagnie. Pour répondre à ces objectifs, cinq axes ont été retenus, dont voici les grandes lignes :
- Comprendre la situation et identifier les leviers d’action : en collectant et analysant des données sur l’abandon et la maltraitance afin de mieux orienter l’action publique. La France doit aussi « aboutir à une définition partagée de la notion d’abandon et de maltraitance ».
- Informer, interroger et former : le plan introduit la notion de « parcours d’acquisition responsable » pour sensibiliser le public aux nouvelles réglementations, comme le certificat d’engagement et de connaissance. Il prévoit aussi un parcours de formation pour les propriétaires de chiens et soutient la Journée mondiale contre l’abandon, initiée par Solidarité Peuple Animal en 2019.
- Faciliter les synergies entre les acteurs : le plan prévoit la création d’une convention interministérielle associant le ministère chargé de l’Intérieur, de la Justice, de l’Agriculture et de l’Environnement, pour renforcer les actions de l’État en matière de lutte contre la maltraitance animale. Un comité doit se réunir pour la première fois en juin 2024.
- Rendre la réglementation plus protectrice : en améliorant et renforçant les lois existantes pour mieux protéger les animaux de compagnie, notamment à l’échelle européenne en promouvant des mesures telles que l'interdiction de la caudectomie (couper la queue des animaux) ou l'usage des colliers électriques.
- Renouveler les mécanismes de financement : par la recherche de nouvelles sources de financement pour soutenir les initiatives de protection animale. La loi de finances 2024 prévoit 3 millions d’euros pour aider les collectivités à stériliser les chats errants, mais la répartition de cette aide reste à définir.
Ce plan, prometteur, traduit « une ambition concrète et réelle de mieux connaître et protéger les animaux en réunissant acteurs publics, associations et professionnels » fait savoir la SPA dans un communiqué. L’approche transversale est un nouveau cap franchi en faveur des animaux, ce dont se félicite Solidarité-Peuple-Animal : « Le gouvernement a pris conscience de l’urgence qu’il y a à envisager de manière globale la situation en coordonnant les différents ministères afin d’améliorer l’efficacité des mesures proposées », indique la présidente Katia Renard. La Fondation 30 Millions d’Amis estime pour sa part que le plan reflète « la qualité des échanges entre les associations de défense animale et le gouvernement entrepris ces derniers mois », tandis que Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, souligne l’avancée majeure que constitue « la reconnaissance officielle de la problématique de la maltraitance animale ».
Un manque de moyens financiers et des animaux laissés pour compte
Cependant, les associations alertent sur le manque de moyens financiers pour mettre en œuvre les dispositions de ce plan. « Cela risque malheureusement de lui ôter toute efficacité pour les animaux », prévient la Fondation Brigitte Bardot. Sans aides spécifiques, c’est même l’ensemble du système de la protection animale existant qui est en péril. Les petites associations, en particulier, sont en situation de plus en plus précaire face à l’inflation et à la hausse des abandons et maltraitances. Dans ces conditions, Katia Renard souligne qu’il « va être difficile pour elles de poursuivre leur travail auprès des dizaines de milliers d’animaux qui arrivent chaque année dans leurs chenils et chatteries, et de satisfaire aux nouvelles réglementations et déclarations sans un accompagnement dans leur professionnalisation. »
Les associations de protection animale regrettent par ailleurs que le plan ne concerne pas l’ensemble des animaux. Pour la SPA, le gouvernement « fait l’impasse sur la situation des Nouveaux animaux de compagnie (NAC) » qui « restent les victimes d’un commerce peu enclin à leur protection et sont encore le reflet de l’animal objet ». Les animaux d’élevage sont les autres grands « oubliés », ce que déplore la Fondation 30 Millions d’amis « en dépit des progrès considérables à obtenir sur ce sujet ».
Poursuivre les efforts vers un plan plus ambitieux
Alors que les mesures proposées visent l’exhaustivité, les associations appellent le gouvernement à ne pas oublier certains points fondamentaux. La Fondation 30 Millions d’Amis demande ainsi l’application de sanctions et un contrôle juridique renforcé contre les ventes illégales d’animaux par des particuliers, souvent non sanctionnées. La SPA propose l’introduction de mesures audacieuses telles qu’un crédit d’impôt pour l’adoption, la stérilisation et l’identification des animaux, ainsi que l’interdiction de la vente des NAC en animaleries et celle des chiots et chatons dans les foires et salons. Elle souhaite également la création de lieux dédiés à l’hébergement transitoire des animaux victimes de maltraitance, en attente de la condamnation de leurs tourmenteurs.
Solidarité-Peuple-Animal insiste pour sa part sur la reconnaissance du travail des petites associations. Katia Renard en appelle à une meilleure prise en compte de leur détresse et de leurs difficultés : « La protection animale en France ne se résume pas aux 5-6 grosses associations, où les dons affluent et qui accomplissent un travail formidable. Elles ne sont pas seules et ne prennent pas en charge la majorité des animaux maltraités et abandonnés. Dans tous les coins de France, des milliers de petites associations accueillent des dizaines de milliers d’animaux. La plupart disposent d’à peine quelques centaines d’euros par mois pour les accueillir, les soigner, les nourrir, les identifier et les stériliser. Il faut absolument que l'État prenne la mesure de leur détresse et de leurs difficultés dans les mois qui viennent. » Solidarité-Peuple-Animal, qui regroupe plus de 460 petites associations, se tient prête à aider le gouvernement à mettre en œuvre ce plan « qui doit donner un nouvel élan à la protection animale en France, au bénéfice des chiens et des chats abandonnés ou maltraités », fait savoir sa présidente.