Gamelles Pleines : « aider l’animal pour aider l’homme »

Marauder, Nourrir, Écouter ©Jackie Lecanu - Gamelles Pleines

Rencontre avec Yohann Severe, fondateur et président de l’association Gamelles Pleines. La fédération œuvre dans plusieurs villes en France pour lutter contre l’exclusion sociale des personnes sans-abris et en situation de précarité, en agissant sur la relation homme- animale.

Fondée il y a plus de 10 ans, Gamelles Pleines (14) est aujourd’hui devenue une fédération regroupant 350 bénévoles répartis en 12 associations installées dans différentes villes de France. Convaincue de l’importance et des bienfaits de la relation homme-animal pour les individus, et l’ensemble de la société, l’association agit « des deux côtés de la laisse ». En prenant soin des animaux de personnes en situation de précarité, elle crée des relations de confiance permettant à des duos maître et chien, de retrouver le chemin de la réinsertion.

Yohann Severe, le fondateur et président de Gamelles Pleines nous présente plus en détail l’association, ses actions et ses projets :

Solidarité-Peuple-Animal : Comment est née l’association ?
Yohann Severe : Il y a 13 ans, lorsque j’ai participé à une maraude alimentaire pour aider des sans-abris, j’ai constaté que ceux qui avaient des animaux étaient incompris de tous. A commencer par les autres personnes sans-abris, qui ne comprenaient pas toujours pourquoi certains donnaient leur sandwich à leur chien et en demandaient un deuxième pour manger eux-aussi – ce qui pouvait créer des bagarres. Mais l’incompréhension était aussi du côté des bénévoles et des travailleurs sociaux qui pouvaient voir dans les animaux une source de problèmes. Personne ne semblait voir que la présence d’un animal apportait avant tout du bien-être et du réconfort à leur maître, qui ne s’en séparerait pour rien au monde.

Je me suis alors dit que le simple fait d’apporter une gamelle remplie pouvait répondre à un vrai besoin. D’abord cela permettait d’éviter les bagarres, mais aussi d’entrer en relation avec la personne en précarité. Pendant que le chien vidait sa gamelle, le maître pouvait vider son sac, se confier. C’est la genèse de tout ce mouvement.

Solidarité-Peuple-Animal : Gamelles Pleines est aujourd’hui une fédération nationale implantée dans plusieurs communes. Mais tout a commencé à Caen. Est-ce dans cette ville que votre action est la plus visible ?
Yohann Severe : Nous sommes actifs dans les 12 villes où nous sommes actuellement présents. Mais c’est vrai que nous travaillons depuis 13 ans à Caen. Forcément, l’impact social s’y ressent un peu plus. Par exemple dans cette ville, les animaux sont acceptés dans toutes les structures d’accueil d’urgence, à l’exception d’une structure pour femmes car il y a aussi des enfants, et le système de précaution prévaut. Quand nous avons commencé notre action ce n’était pas du tout le cas et des sans-abris préféraient passer la nuit dehors plutôt qu’être séparés de leur animal. Aujourd’hui à Caen, les structures d’accueil n’envisagent plus de refuser quelqu’un parce qu’il a un chien. On a montré que c’était possible. On s’est aussi rendu compte que la présence d’animaux permettait aux salariés et aux usagers de bénéficier de petits bienfaits comme des câlins, des jeux, des rigolades… et l’animal est également un sujet de discussion. Finalement, cela crée une ambiance très familiale dans la structure.

Solidarité-Peuple-Animal : Quelles sont les principales missions de Gamelles Pleines ?
Yohann Severe : Nous sommes là pour favoriser la réinsertion des personnes en précarité par la dimension de la relation homme animal. Cette mission se décline en 7 grands axes :

1- Favoriser l’accueil des personnes avec leur animal dans les structures d’accueil d’urgence.

2- Marauder, nourrir et écouter. Il est important de construire une relation de confiance pour pouvoir travailler avec une personne en situation de précarité.

3- Permettre l’accès aux soins : un animal en bonne santé c’est un maître en bonne santé et une relation homme-animal encore meilleure.

4- Accueillir l’animal sur une durée plus ou moins longue pour permettre aux maîtres d’être hospitalisés, d’effectuer des démarches auprès de Pôle emploi, ou bien encore de rencontrer un employeur.

5- Conforter et valoriser les propriétaires d’animaux en leur disant qu’ils sont de bons maitres ou en les aidant à le devenir. Nous proposons par exemple de l’éducation canine.

6- Témoigner et sensibiliser pour casser les préjugés. Nous intervenons beaucoup dans l’enseignement supérieur, dans les écoles de travailleurs sociaux mais également dans les écoles vétérinaires. Ce sont deux univers que nous souhaitons réunir.  

7- Accompagner dans le deuil. La mort d’un animal correspond souvent à l’effondrement d’un univers entier. On double alors notre vigilance et notre accompagnement quand on sait qu’une personne que l’on suit a perdu son animal.

Solidarité-Peuple-Animal : quels sont vos projets ?
Yohann Severe : Nous souhaitons créer deux structures sociales d’accueil à Rennes et à Caen. Ces lieux fonctionneront comme des pensions animalières mais avec des tarifs très bas, voire gratuits dans certains cas. Ils permettront aux personnes en précarité de confier leur animal pour se soigner ou mener leurs projets de réinsertion. A Rennes, la ville a déjà trouvé un terrain. À Caen, nous sommes encore en train de chercher un endroit où monter cette structure. Mais ces deux municipalités veulent que ce projet voit le jour dans leur ville parce qu’elles ont compris que ça pouvait changer la façon de travailler de tous les services publics.

Solidarité-Peuple-Animal : Avez-vous besoin d’étoffer votre réseau de bénévoles ? Quels profils recherchez-vous ?
Yohann Severe : Le réseau de bénévoles a toujours besoin d’être étoffé. Nous avons particulièrement besoin de personnes ayant des compétences dans la gestion administrative et dans la logistique pour organiser les maraudes, les visites vétérinaires, etc. Mais tous les profils sont les bienvenues et chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Pour nous rejoindre, il faut avant tout adhérer à notre charte de valeurs : Civisme ; Humanisme ; Indépendance Équité ; Neutralité ; Solidarité. Elle est facile à retenir car elle correspond aux initiales du mot chiens !

Solidarité-Peuple-Animal : Pourquoi Gamelles Pleines fait partie des membres de Solidarité-Peuple-Animal et en quoi notre plateforme peut vous être utile ?
Yohann Severe : Nous partageons les mêmes valeurs sur la relation homme-animal. On ne peut que trouver dans nos échanges des synergies pour changer la société. Solidarité-Peuple-Animal peut également nous aider à toucher des personnes qui partagent nos valeurs et nos convictions, que ce soit pour s’engager en tant que bénévole, ou du côté des donateurs. Dernièrement nous avons également pu bénéficier d’une opération solidaire qui nous a permis de recevoir un ordinateur. Merci à Solidarité-Peuple-Animal car cela correspondait à un de nos besoin !

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