par Sophie MAXENCE
Une charte pour un nourrissage responsable des chats libres
L’association normande 40 En Chats, veut garantir un nourrissage propre et éthique des chats sur les espaces publics. Rachel Moriceau, présidente de l'association, nous explique les enjeux de cette démarche.
L’association 40 en Chats basée à Carentan-les-Marais, a mis en place des conventions avec de nombreuses communes de la Manche (50) pour lutter contre la prolifération des chats des rues*. Afin de mener ce travail, l’association s’appuie sur plusieurs nourrisseurs auxquels elle propose la signature d’une charte qui permet de renforcer leur légitimité tout en impliquant activement le voisinage. Explications.
Solidarité-Peuple-Animal : Pourquoi avez-vous décidé de mettre en place une charte des nourrisseurs ?
Rachel Moriceau : Beaucoup des nourrisseurs avec lesquels nous collaborons ne sont pas des bénévoles de notre association, mais sont les nourrisseurs originels, identifiés grâce aux indispensables enquêtes de voisinage que nous menons avant chaque trappage. Une fois identifiés, nous leur proposons un cadre légal ainsi qu'un enregistrement officiel en mairie. Cela valorise leur travail et leur confère une légitimité, notamment vis-à-vis du voisinage, à qui nous expliquons le fonctionnement des campagnes de stérilisation, tout en garantissant à la mairie un nourrissage propre et éthique.
SOLIPA : Est-il important pour vous d’associer les habitants du quartier à la démarche de nourrissage des chats libres ?
R.M : C’est essentiel. Lors de nos enquêtes préalables aux trappages, nous impliquons et responsabilisons l’ensemble du voisinage du lieu de prolifération. Peu d'associations qui stérilisent les chats errants entreprennent ce travail de fond, car il est fastidieux et demande du temps. Or, se contenter de trapper et stériliser quelques chats, sans effectuer une enquête de voisinage, réduit les chances de trouver la source de la prolifération (souvent un particulier dont la chatte n'a pas été stérilisée). Sans cette enquête ni l'information des habitants, ces derniers ne se responsabilisent pas et ne comprennent pas l’utilité du travail que vous allez effectuer.
SOLIPA : En quoi consiste, dans les grandes lignes, cette charte ?
R.M : Les nourrisseurs qui signent la charte s’engagent principalement à maintenir propre le lieu de nourrissage et à entretenir les cabanes spécifiquement conçues pour les chats libres et installées par notre association. Souvent, les lieux de nourrissage informels sont négligés, avec des abris de fortune, des gamelles sales, des détritus… Nourrir des chats tout en créant une nuisance pour les riverains n’est pas acceptable. Il faut veiller à ce que cela convienne à tout le monde. Une fois la charte signée, nous remettons au nourrisseur une carte valable un an. Si les règles de nourrissage que nous préconisons ne sont pas respectées, nous ne renouvelons pas la carte.
SOLIPA : Pouvez-vous nous expliquer le système de parrainage de chats errants proposé par l’association, qui permet de soutenir les nourrisseurs pour l’achat de croquettes ?
R.M : Nous proposons aux nourrisseurs d’effectuer un don à l’association pour le parrainage de chats. En contrepartie, ils reçoivent des croquettes de bonne qualité de la part de l’association. Comme le don est défiscalisable à hauteur de 66 % du montant versé, cela réduit considérablement le coût de la nourriture pour les nourrisseurs. Attention, une association ne peut pas émettre un reçu fiscal en échange d’un paquet de croquettes, mais elle peut le faire en contrepartie d’un don. Au sein de notre association, dès qu’un nourrisseur effectue un don pour le parrainage de chats errants, nous lui donnons des croquettes car nous estimons que ce don va servir à s’occuper des chats errants stérilisés.
SOLIPA : D’où proviennent les cabanes que votre association installe sur les lieux de nourrissage dans les communes partenaires ?
R.M : Un électricien les fabrique gratuitement pour l’association. Il y consacre tout son temps libre, car la demande est forte. Les cabanes sont construites en bois, autour de deux caisses en polystyrène. Le toit est monté sur charnières pour faciliter l’entretien et le nettoyage, et un trou est découpé sur le côté pour permettre l’entrée des chats. Nous avons deux types de cabanes : celles pour le couchage et celles pour la nourriture.
SOLIPA : Quel est le coût de fabrication de ces cabanes pour l’association ?
R.M : L’intérieur en polystyrène est fourni gratuitement par des magasins. La structure est fabriquée à partir de bois de récupération ou grâce à des dons d’une entreprise de bois. Nous devons financer le revêtement du toit, les vis, les charnières… Cela nous coûte entre 15 et 20 euros par cabane. Actuellement, nous en avons plus d’une cinquantaine. Nous aurions besoin de davantage de personnes pour fabriquer les cabanes, car nous avons constamment de nouveaux lieux de chats errants à stabiliser. Par ailleurs, plusieurs personnes nous ont demandé s’il était possible d’acheter ces cabanes. Si nous pouvions augmenter la production, cela serait une source de revenu supplémentaire pour l’association.
SOLIPA : Y a-t-il des risques à rendre identifiable (par la présence de cabanes) un lieu de nourrissage pour les chats libres ?
R.M : Il peut y avoir des inconvénients. Comme nos cabanes sont jolies et fonctionnelles, nous avons eu quelques vols. De plus, il est déjà arrivé que de nouveaux chats abandonnés soient laissés sur les lieux de nourrissage. Comme ces endroits sont propres, avec des abris, de la nourriture quotidienne et des soins prodigués par notre association, certaines personnes y voient le lieu idéal pour abandonner leur animal. Heureusement, cela reste rare.
SOLIPA : Les actions de sensibilisation auprès des habitants sont-elles nécessaires pour pallier ces problèmes ?
R.M : Nous avons déjà installé des panneaux sur chacune des cabanes, avec des informations telles que le nom de l’association, le fait que les chats de ce lieu de nourrissage sont placés sous la protection de la mairie, ainsi que l’origine des chats errants souvent liée à l’absence de stérilisation des animaux de compagnie. Mais il faudrait davantage d’actions de sensibilisation au niveau de la commune.