par Sophie MAXENCE
Associations de protection animale : quelles perspectives pour 2022 ?
Les effets de la crise sanitaire qui n’en finissent pas de se faire ressentir, l’augmentation des prises en charge, la diminution des adoptions, le sentiment général de lassitude et les difficultés financières affectent durement les associations qui trouvent malgré tout quelques raisons d’être optimistes pour cette nouvelle année.
« Nous ne sommes pas tout à fait confiant », voilà qui résume bien l’état d’esprit de beaucoup d’associations avec lesquelles nous avons pu échanger en ce début d’année 2022, à l’instar d’Adopt Forever située à Bléquin dans le Pas-de-Calais (82). La crise sanitaire a fortement impacté le monde de la protection animale avec, entre autres, une forte hausse des abandons et un recul des adoptions constatés à l’été 2021. Et il y a fort à parier que les effets du Covid 19 n’ont pas fini de se faire ressentir. « La situation est quand même moins dramatique aujourd’hui que les deux années précédentes, souligne Peggy Morlière, la responsable d’Adopte Forever. Mais en ce début d’année, les adoptions sont encore peu nombreuses alors que nous avons toujours énormément de prises en charge. A l’heure actuelle, nous ne pouvons pas accueillir de nouveaux animaux. »
Repartir de zéro
Les associations sont ainsi soumises à rude épreuve depuis de nombreux mois, et celles qui s’occupent des chats errants sont particulièrement sous tension. « La quantité de chats que nous avons récupérée en 2021 est assez effarante et on pense que cette année va être semblable voire pire » craint Andréa Argemi, présidente de l’association Cosa Animalia située à Grenoble en Isère (38). Pour cette dernière, l’afflux de félins est en grande partie lié à l’arrêt des stérilisations des chats errants lors du premier confinement. « Nous avons assisté à une explosion des naissances en mars 2020. Nous n’avons pas pu récupérer tous ces chatons, ni les faire tous stériliser. » De quoi mettre à mal le travail de longue haleine effectué par les associations pour parvenir à contrôler les populations de chats des rues. « Il faut tout reprendre à zéro » déplore ainsi Andréa Argemi.
Au-delà de la crise sanitaire, un autre phénomène se fait de plus en plus ressentir par certaines associations : celui du changement climatique. Des températures plus douces et une saison hivernale moins marquée pourraient influer sur les périodes de reproduction des chats et expliquer les naissances de chatons en dehors des périodes habituelles du printemps et de l’été. « Il y a quelques années, mis à part quelques surprises, notre activité été très saisonnière, c’est moins vrai maintenant détaille ainsi Émilie, bénévole à l’École du Chat Libre de Bordeaux (33). Chaque année nous avons des interrogations concernant l’intensité de notre activité, mais nous avons l’impression que ces incertitudes sont de plus en plus fortes. On n’ose plus de faire de prévisions. »
De moins en moins de répit pour les associations
Interrogée mi-février, Andréa Argemi la présidente de Cosa Animalia à Grenoble nous indiquait recevoir quasi quotidiennement des signalements de chattes gestantes, presque arrivée à terme. « On nous a également signalé des naissances parmi les chats des rues. Si cela est déjà arrivé dans le passé, les naissances en février sont rares habituellement. Il nous semble que c’est désormais plus fréquent. » Les naissances se poursuivent également de plus en plus tard, augmentant l’ensemble de la période de reproduction des chats et diminuant la période de trêve pour les associations. « Nous récupérons encore des chatons de 4 mois, c’est à dire nés fin octobre, début novembre de l’année dernière. En somme, les nouveau-nés de 2022 sont en train d’arriver alors que nos chatons de 2021 ne sont pas encore tous partis. Cela est notamment problématique pour nos chats adultes. Habituellement en novembre nos derniers chatons sont adoptés, ce qui permet de donner plus de visibilité à nos autres chats » précise Andréa Argemi.
Gare à la "pénurie de bénévoles"
Après deux années consécutives de bouleversements, et les prochains mois qui s’annoncent d’ores et déjà difficiles, le moral des bénévoles est mis à rude épreuve. « En ce moment je ressens une fatigue générale qui s’est installée, témoigne Liliane Broussard du Gang des Matous, dans le Gers (32). Pour certains bénévoles nos actions semblent n’avoir que peu d’effet face au problème récurrent des chats errants et à l’ampleur du phénomène. Et pourtant, on progresse, même si ce n’est pas toujours évident à voir sur le court terme. Mais c’est à nous responsables, de trouver le bon argumentaire pour traverser les coups durs. »
Du côté d’Adopt Forever, les forces vives sont également de plus en plus difficiles à mobiliser. « Nous avons en ce moment une pénurie de bénévoles, indique ainsi Peggy Morlière. Au plus fort de la crise sanitaire, nous avions beaucoup de personnes engagées dans l’association. Mais au fur et à mesure des déconfinements, nous avons vu nos bénévoles partir si bien qu’actuellement nous ne sommes plus que quatre au sein de notre bureau. Ce relâchement touche également les familles d’accueil et les adoptants. En temps normal, la reprise des adoptions s’opère dès la fin janvier, mais là tout tourne au ralenti. Nous avons deux chiots pour lesquels nous n’avons reçu qu’une ou deux demandes alors qu'habituellement nous croulons sous les dossiers. Cela interpelle. »
La situation financière des associations peut-elle s’améliorer en 2022 ?
Les difficultés touchent également les donateurs, essentiels à la survie des associations. « Les gens sont de plus en plus sollicités et même pour les plus généreux, les bourses ne sont pas des puits sans fond. Il y a aussi beaucoup de personnes qui ont perdu pas mal d’argent ces deux dernières années. Pour nous, cela se traduit par une forte baisse des dons, 40% en moins entre 2020 et 2021, c’est énorme » s’inquiète Liliane Brossard.
Pour faire face aux difficultés financières, les associations espèrent pouvoir de nouveau compter sur différents événements permettant des rentrées d’argents, comme les brocantes, ou les collectes alimentaires, considérablement freinées ces derniers temps. « Les collectes redémarrent doucement pour notre association, mais ces événements ne sont pas encore aussi profitables qu’avant, indique Peggy Morlière d’Adopt Forever. Avec les masques nous avons moins de proximité avec les gens. Ces derniers sont également plus pressés, moins enclins à la discussion. »
Le prolongement des aides de l’État à destination des associations de protection animale est également très attendu, notamment en ce qui concerne les subventions pour les campagnes de stérilisation. « Nous avons déjà pu bénéficier de cette aide l’année dernière pour 100 stérilisations, indique Cosa Animalia. Nous avons refait une demande pour cette année car à ce jour nous avons près de 300 chats à faire stériliser, sans compter tous les appels que nous n'allons pas tarder à recevoir. »
« On n’oublie pas non plus que 2022 est une année à élection, souligne pour sa part Liliane Broussard. L’esprit des gens risque d’être pris par la présidentielle et il est difficile de mettre en place des actions dans un climat politique tendu. Nous continuons cependant à solliciter l’aide d’un peu tout le monde, notamment des principales fondations de protection animale pour essayer de survivre financièrement et de continuer nos missions. L’espoir nous anime ! »