par Sophie MAXENCE
La recherche de bénévoles : un enjeu de taille pour les associations
Mis à mal par l’épidémie de Covid, le bénévolat est une des problématiques clés du secteur de la protection animale, reposant en majeure partie sur l’engagement de personnes non rémunérées.
« Plus les années passent et plus nous avons des difficultés à trouver des personnes qui s’investissent et acceptent d’accueillir un animal chez eux, alors qu’en parallèle, nous avons de plus en plus d’abandons et de chatons qui naissent dans les rues », constate Juliette, présidente de l’association Ch’amis Pour la Vie dans le Var (83). Selon le dernier baromètre France Bénévolat/IFOP, réalisé en 2022, on recense 19 millions de bénévoles en France, tous domaines confondus. Un chiffre en baisse par rapport aux années précédentes (20 millions en 2016 et 2019, 21 millions en 2013). S’il n’existe pas de données spécifiques à la protection animale, ce secteur, pourtant très dépendant du bénévolat, doit lui aussi faire face à une baisse des engagements selon les retours des associations que nous avons pu interroger.
Le phénomène alerte car le bénévolat est au cœur du fonctionnement des petites et moyennes structures, majoritairement financées par les dons de particuliers. Les missions sont très diverses en fonction des structures : trappage et nourrissage de chats libres, nettoyage et entretien des boxes en refuge, tâches administratives, gestion des adoptions…
Parmi les bénévoles se trouvent également les familles d’accueil, rouage essentiel pour les nombreuses associations sans refuge. Leur recrutement est souvent un exercice délicat car un gros investissement est nécessaire. « On préfère avoir peu de familles sur lesquelles on peut vraiment compter, plutôt que d’avoir des gens, de bonne foi, mais qui ne se rendent pas forcément compte de l’implication nécessaire et finissent par abandonner. On se retrouve alors dans l’embarras, à devoir récupérer les chats », explique Céline Baron El Abdi de l’association Cats like dans les Yvelines (78).
Les effets du Covid sur le bénévolat
Les besoins en famille d’accueil ont fortement augmenté lors de l’épidémie de Covid-19. La pandémie a bloqué temporairement le travail de stérilisation des chats errants mené par les associations et conduit à une forte augmentation des naissances non contrôlées de chatons. Or cette période correspond également à une baisse significative et générale du bénévolat en France. Le baromètre de France Bénévolat enregistre ainsi une diminution de 15% des bénévoles en raison de la pandémie. « La crise du Covid a fait des ravages, beaucoup de gens ont été contraints de cesser complètement leur bénévolat », détaille Elisabeth Pascaud co-autrice de l’étude France Bénévolat.
La responsable des Ch’Amis pour la vie a pu observer cette tendance au sein de son association : « Avant le Covid, nous avions moins de prises en charge d’animaux et nous comptions une quarantaine de familles d’accueil contre une quinzaine aujourd’hui », relève-t-elle. Le phénomène s’étend également au-delà des familles d’accueil comme l’explique Gilles Caubet, responsable des Chachous de Chacha dans le Val-d’Oise (95). « Beaucoup de nos bénévoles, pendant le Covid et même après, ne voulaient plus se réunir et rencontrer des personnes, lors des collectes par exemple. » Selon France Bénévolat, un retour des bénévoles est cependant observé. « Un certain nombre de bénévoles ont repris progressivement leurs activités même si nous n’avons pas encore de chiffres évaluant ces retours", détaille Elisabeth Pascaud.
« Les gens ne sont plus à fond »
Le bénévolat doit cependant faire face à d’autres problématiques que la pandémie, à commencer par l’inflation. Certains bénévoles ne peuvent, par exemple, plus utiliser leur voiture pour effectuer des trajets à cause du coût du carburant. « Nous-mêmes au sein du bureau, on essaie de limiter nos déplacements car l’essence coûte cher », commente Gilles Caubet ces Chachous de Chacha.
Un autre facteur pouvant contribuer à la baisse des engagements viendrait d’un sentiment diffus et généralisé de baisse de motivation et de « morosité ambiante face aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés collectivement, comme la crise climatique », analyse de Gilles Caubet. « Au sein de notre association, nous avons la chance d’avoir pas mal de familles d’accueil, mais nous avons du mal à mobiliser pour d’autres missions. On sent une sorte d’incertitude couplée à de la lassitude. Les gens ne sont plus à fond. »
Dans ce contexte, le domaine de la protection animale peut souffrir d’un facteur aggravant : celui d’un découragement face à la tâche à accomplir et le manque d’aides et de reconnaissance du travail effectué concernant les problématiques des abandons, du manque de stérilisation et de l’errance animale. « On a l’impression que c’est pire d’année en année, et il est difficile de mesurer les effets de notre action », reconnaît Gilles Caubet.
De nouveaux modes d’engagement
Sans avoir de données spécifiques au secteur de la protection animale, France Bénévolat estime qu’un quart des personnes souhaitant s’engager en tant que bénévoles se disent intéressées par les animaux. « Ce n’est pas anecdotique, cela montre que les gens se sentent concernés par ce secteur, même si c’est une possibilité d’engagement parmi d’autres », souligne Elisabeth Pascaud.
Pour les associations, l’enjeu est alors de parvenir à mobiliser ces personnes intéressées par la cause animale, prêtes à donner de leur temps et de leurs compétences. Encore faut-il être en mesure de s’adapter à ce qui semble être une évolution durable des modes d’engagement. Le baromètre France Bénévolat 2022 observe ainsi une hausse du bénévolat ponctuel tandis que le bénévolat plus dense, d’un jour ou plus par semaine, diminue. Par ailleurs, le bénévolat des personnes agissant au sein d’une structure est en baisse, tandis que le « bénévolat direct » augmente, « au détriment sans doute du bénévolat en association », notent les auteurs du baromètre.
Ces derniers soulignent : « L'essor du bénévolat direct, de proximité surtout chez les plus jeunes, et du bénévolat occasionnel ou ponctuel doit nous interpeller : comment nous adapter aux aspirations qu’il révèle ? Comment, à travers cette envie de plus de souplesse, plus de découvertes multiples, assurer la permanence nécessaire de nos projets associatifs ? » Ces réflexions résonnent comme autant de nouveaux défis pour les associations de protection animale.